Just give me a reason

Poudlard n'était pas une école silencieuse. Il y avait toujours des élèves pour discuter sur la pelouse, d'autres pour jouer sur le terrain de Quidditch, d'autres pour seulement faire claquer leurs chaussures sur les sols en pierre des couloirs. Il était donc rare d'avoir un silence absolu ici mais cela ne gênait guère Anna qui avait passé son enfance dans une maison vide. Elle s'était tellement habituée aux bruits qu'elle ne pouvait s'endormir que lorsque ses camarades de classe discutaient ou alors quand Betty MacFee, qui occupait le lit juste à droite du sien, se mettait à ronfler. Pour réfléchir, c'était devenu la même chose. Au fond, elle n'avait pas le choix puisque la salle commune était toujours bondée et qu'il était hors de question qu'elle se rende à la bibliothèque. Ce jour-là, elle avait décidé de venir réfléchir sous les arcades. Le temps n'était pas merveilleux mais il ne pleuvait pas ce qui était déjà très bien. Elle devait prendre une décision : Devait-elle rentrer chez elle pour les vacances de Toussaint ? Enfin, elle avait déjà pris sa décision au fond. Elle voulait rester à Poudlard mais elle voulait savoir ce que voulait faire sa petite soeur. Elle lui avait donc donné rendez-vous ici et l'attendait depuis presque un quart d'heure. Elle laissa ses jambes se balancer dans le vide vu qu'elle était assise sur un des petits murets et fit tomber son sac derrière elle sans s'en rendre compte.

Benjamin se promenait dans le château avec quelques camarades de maison qui parlaient depuis plus de vingt minutes d'une fille de septième année dont il ignorait l'existence encore une heure auparavant. Il ne pouvait même pas répondre quelque chose à ses amis lorsque ceux-là lui posaient des questions sur le physique de cette fille. Il avait donc un peu décroché et marchait en retrait derrière, les mains dans les poches.

Quand ils sortirent du château, Benjamin le regretta aussitôt. Il avait encore une fois oublié son écharpe dans son dortoir et le temps n'était pas des plus agréables malgré le fait qu'il ne pleuvait pas. Il passa une main dans ses cheveux et tout en avançant, observa la pelouse intérieure où quelques courageux s'étaient installés. Il espérait que ses amis n'allaient pas avoir la même idée.

Au moment où il passa derrière une fille aux cheveux longs, il faillit se prendre les pieds dans un sac qu'elle venait d'échapper. Il s'arrêta, resta un instant immobile à faire passer son regard du sac à ses amis qui continuaient de marcher en passant par la fille. Il soupira, se baissa et ramassa le sac. Il tapota l'épaule de l'inconnue en lui disant :

"Je crois que tu as fait tomber quelque chose !"

Anna, assise sur son muret, frissonna légèrement à cause d’un coup de vent plus frais que les précédents. Elle tenta en vain de tirer sur sa jupe pour l’allonger mais à moins de lui lancer un sort, cela ne fonctionnerait pas de sitôt. Elle regarda à sa gauche et ne vit pas sa sœur arriver. Elle avait dû l’oublier, c’était bien sa veine. Elle fulminait contre Aria lorsqu’une tape sur son épaule et une voix douce l’interrompirent. Elle avait fait tomber quelque chose comprit-elle. Elle se retourna et tomba nez-à-nez avec un jeune homme. Dire nez-à-nez n’était pas qu’une simple expression, ils n’étaient qu’à un mètre l’un de l’autre. Instinctivement, elle se recula un peu et l’observa un instant. Grand, brun, avec de magnifiques yeux bleus… Il n’était vraiment pas mal. Une fois son observation terminée, elle baissa les yeux sur son sac de cours qu’il avait à la main et lui répondit enfin :

"Oh merci ! J’avais presque oublié que je l’avais emmené avec moi !"

Un sourire aux lèvres, elle lui tendit la main pour attraper son sac.

Pendant un court instant, Benjamin fut pris au dépourvu quand elle se retourna vers lui. A la première vue, elle n'avait rien d'exceptionnel. Des cheveux châtains, des yeux marrons, la peau légèrement mâte, certaines personnes auraient pu la qualifier de fille banale et pourtant pas lui. Il n'en aurait pas été capable. Il y avait quelque chose qui l'attirait, quelque chose dans son regard ou son attitude, sa façon sûrement de se reculer pour mettre une certaine distance entre eux qui lui donna l'impression qu'elle n'était pas une dragueuse ou alors sa façon de l'observer avant de lui parler. Il la trouva superbe quand elle lui sourit. Mais il dut se reprendre et lui rendre.

"De rien !"

Il aurait voulu lui dire quelque chose de bien, d'intéressant ou de drôle mais rien ne lui venait à l'esprit. Il n'avait jamais été doué pour ça et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer. Quand il avait vu le sac par terre, il n'avait pas envie de le ramasser et à présent, il voulait lui parler.

"C'est plutôt étonnant de la part d'une Poufsouffle." trouva-t-il enfin à lui dire après avoir aperçu son insigne.

[Désolé pour l'insigne]

La voix de son interlocuteur était... Intéressante. Elle n'était pas désagréable à écouter, c'était certain. Elle ne savait pas trop bien pourquoi elle notait un tel élément dans son esprit. Elle prit son sac de cours et vérifia rapidement que son encrier ne s'était pas brisé, elle lui avait lancé un sort pour le rendre incassable mais on était à l'abri de rien. Tout semblait en règle. Elle souffla de soulagement et haussa les épaules à sa remarque, qui lui correspondait assez bien au fond. Elle était une travailleuse acharnée, prête à tout ou presque pour réussir.

"Ne me confonds pas avec les Serdaigle, s'il te plaît!" rétorqua-t-elle presque malgré elle, toujours un sourire aux lèvres.

C'est vrai que les Poufsouffle étaient connus pour leur amour du travail mais pour elle, ils étaient bien plus, elle était bien plus que ça. En tout cas, elle l'espérait parce qu'elle aimait travailler, c'était indéniable mais elle devait avoir autre chose, des qualités, une personnalité bien spécifique pour être dans cette maison.

"Et toi? Tu es dans quelle maison?" s'intéressa Anna.

Elle doutait sérieusement qu'il soit à Serpentard. Elle savait qu'elle avait énormément de préjugés envers cette maison à cause de ses parents et de toute sa famille mais elle ne voyait pas les élèves de cette maison comme étant aussi serviable que le jeune homme qui était devant elle. Un Serpentard serait passé à côté du sac sans même le voir. Il ne devait pas être à Poufsouffle comme elle, sinon elle l'aurait déjà vu, vu sa taille et ses yeux. Il ne restait que Gryffondor et Serdaigle. Elle jeta un coup d'oeil à ses mains. Aucun livre. C'était un Gryffondor!

Benjamin enfonça sa main droite dans la poche de son jean. Il était mal à l'aise. Ce n'était pas à cause de la Poufsouffle, enfin pas directement. Elle ne levait pas les yeux au ciel, ne se moquait pas de lui ou n'était pas partie en courant comme cela lui était arrivé ces dernières années. Elle était normale et semblait même vouloir faire un semblant de conversation avec lui et c'était là que ça coinçait. Benjamin n'était pas un orateur, il était un penseur. S'il devait faire un jour de la politique, il serait celui qui écrit les discours du candidat souriant, confiant et charismatique. Il était et serait toujours celui de l'ombre. Il souffla doucement pour qu'elle ne le remarque pas. Pour le moment, elle ne lui demandait pas quelque chose de compliqué, dire sa maison sans bégayer était encore dans ses cordes.

"Gryffondor, même si ça ne se voit pas au premier regard!" annonça Benjamin malgré lui.

Il ne s'était pas attendu à dire autant de chose quand il avait ouvert la bouche et le plus étonnant, c'est qu'il n'avait pas dit de bêtise, il avait même dit la vérité. La plupart des personnes croyait qu'il était un Serdaigle vu le temps qu'il passait à la bibliothèque.

Anna sourit en coin, amusée parce qu'il venait de dire. En à peine quelques secondes, elle avait tout de suite deviné qu'il était chez les rouge et or mais elle comprenait ce qu'il voulait dire. Elle-même était souvent prise pour une Serpentard à cause de son côté détaché et distant qui ne ressemblait pas du tout aux autres joyeux et amicaux lurons de Poufsouffle. D'ailleurs, elle pensait souvent qu'elle aurait plus eu sa place à Serpentard comme lui avait indiqué le Choixpeau mais pour elle à l'époque et c'était encore valable aujourd'hui, il était hors de question de perpétuer la tradition ancestrale. Elle voulait être vu et reconnu pour autre chose que son nom de famille et ses ancêtres mangemorts. Son esprit divaguait encore une fois à propos de ce sujet. Le Gryffondor attendait une réponse de sa part :

"On a tous une personnalité complexe qui ne peut, au fond, se plier qu'à une seule maison. Sinon nous ne serions pas des êtres humains mais des... Boursouflets !"

Les Boursouflets n'étaient plus vraiment à la mode même si elle savait qu'ils se vendaient toujours chez les Weasley. Son père lui en avait acheté un violet pour ses sept ans. Elle l'avait vraiment adoré mais elle l'avait vite perdu, Anna avait toujours pensé que c'était sa mère qui l'avait... Fait disparaître.

"J'en ai eu un quand j'étais petite. Il était très mignon mais il n'avait pas du tout inventé la poudre à cheminette!"

Benjamin rit aux répliques de la Poufsouffle. Il ne s'imaginait pas en tant que Boursouflet qu'il n'avait d'ailleurs vu que dans des magazines ou en tant que n'importe quelle créature magique ou non. Elle avait raison, on avait des traits de personnalité qui pouvaient convenir à diverses maisons. Il était finalement mi-Gryffondor mi-Serdaigle.

"Je suis d'une famille moldue alors je n'ai jamais eu de Boursouflet. Nous sommes plus animaux de compagnie habituel comme le chien ou le chat. Quoique ma sœur a eu, il y a deux ans, un hamster. Mais c'est presque identique quand on y pense !" expliqua-t-il.

C'était la phrase la plus longue qu'il n'ait jamais dit de toute sa vie et de plus, à une inconnue, lors d'une conversation. Il rougit légèrement en comprenant l'exploit extraordinaire qu'il venait de réaliser. Il avait souvent parlé comme ça à Kate ou à Lily mais cela faisait tellement longtemps qu'il en avait presque oublié la sensation de bien-être. Il enfonça un peu plus sa main dans sa poche même si cela était impossible et regarda autour de lui. Des nuages noirs les menaçaient.

"Benjamin, tu fais quoi ?" entendit-il au loin ce qui le fit tourner la tête.

Anna l'avait écouté attentivement. ce qu'il racontait n'était pas des plus intéressant et c'était presque aussi nul que sa propre réplique sur les boursouflets. Il était plutôt doué en fait. Il avait réussi à faire la conversation sur un sujet plus que banal. Elle allait s'excuser sur le fait qu'il n'ait jamais eu de boursouflet, juste pour la plaisanterie. Même si elle n'était pas très rigolote en règle générale, elle pensait que cette remarque pourrait être assez drôle. Quand elle ouvrit la bouche, elle entendit appel et aussitôt, le gryffondor qui était en face d'elle se tourna en direction de l'appel. Il s'appelait donc Benjamin. Elle était surprise parce qu'elle pensait qu'il était seul sous les arcades pour qu'il prenne le temps de parlait un peu avec elle mais au fond, il était peut-être comme elle, il attendait quelqu'un et ce quelqu'un était... Tout un groupe de rouge et or. Elle déglutit discrètement tout en observant ces garçons faire des signes à Benjamin pour qu'il les rejoigne. Elle en voyait même deux faire des gestes assez explicites pour sans doute mettre leur ami mal à l'aise. Elle ne savait pas l'effet qu'ils avaient sur Benjamin mais en tout cas, pour elle, ça fonctionnait assez bien. A moins que ce soit ses amis qui lui aient demandés de venir lui parler et de se jouer d'elle. Elle releva un peu plus la tête. Si elle avait accepté un conseil de sa mère, c'était bien celui de rester digne dans n'importe quelle situation. Elle n'allait pas se faire humilier. Si elle pouvait continuer à avancer avec, comme attaché à sa cheville, l'énorme boulet qu'était sa famille, elle pouvait très bien supporter les railleries d'un groupe de gamins immatures comme eux.

"Ce sont sûrement des amis à toi ?!" dit-t-elle, sur un ton neutre.

Benjamin avait souvent eu honte, c'était presque une seconde nature chez lui. Entre son bégaiement, sa timidité et ses joues qui ressemblaient plus souvent à des tomates qu'à de vraies joues, il avait eu son compte mais là, ça battait des records. Il haussa les épaules en levant les paumes des mains vers le ciel comme pour demander à ses amis ce qui leur prenaient.

"Malheureusement, oui !" répondit Benjamin à la question de la Poufsouffle. "Je suis... Désolé pour ça !"

Il leur fit de gros yeux, légèrement énervé ce qui, venant de lui, était assez rare.

"Alors tu viens ou pas ?" le questionna l'un de ses amis.

"Cassez-vous..." les pria-t-il.

Benjamin aurait voulu ajouter quelque chose d'autre mais il aurait été très grossier et ça, il refusait de l'être. Par, il ne savait quel miracle, ses amis de Gryffondor firent demi-tour en riant à gorge déployée ce qui attira l'attention de toutes les personnes présentes sur la pelouse ou sous les arcades.

"Je suis vraiment désolé !" répéta-t-il.

Au fond, Benjamin n'était peut-être pas dans cette mise en scène. Il semblait encore plus outré qu'elle face à ce genre de gestes obscènes ce qui l'étonnait grandement. C'était un garçon et même si Anna n'avait une grande connaissance dans ce sujet, elle savait pertinemment, après de nombreuses heures à observer des spécimens de sa maison, qu'ils ne pensaient qu'à une chose surtout vers quinze ans. Les filles et tout ce qu'ils peuvent, enfin rêvent de faire avec elles. Mais Benjamin avait eu une réaction qui laissait penser qu'il était différent. Elle se détendit un peu mais resta malgré tout sur ses gardes.

"Ce n'est pas de ta faute..." dit-elle simplement.

Elle regarda encore un instant le groupe partir en riant jusqu'à ce qu'il disparaisse au bout du corridor.

"Si certains de tes amis sont stupides !" ajouta-t-elle quand même.

Elle ne pouvait pas garder ça plus longtemps pour elle. Elle n'était pas d'une franchise à toute épreuve mais là, la bêtise de ces garçons l'avait exaspérée et pourtant, elle se targuait d'être assez tolérante avec les gens qui l'entouraient à longueur de journée. Elle avait réussi à sympathiser, lors de sa seconde année, avec le garçon qui mangeait ses crottes de nez. Heureusement, cela lui était passé mais Anna ne l'avait jamais jugé. Mais ces deux Gryffondor de la bande lui avaient complètement déplu.

Benjamin prit la réflexion de la Poufsouffle en pleine figure. Ces Gryffondor n'étaient pas ses meilleurs amis mais il aimait bien passer du temps avec eux, même s'il fallait l'avouer que parfois, il n'avait pas du tout les mêmes délires qu'eux.

"Ils ne sont pas toujours... Comme ça !"

Il avait failli dire qu'ils n'étaient pas toujours aussi stupides. Cela aurait sans doute été vrai mais pas très gentil envers ces amis. Après les différentes histoire avec Lily puis Kate, Benjamin s'était retrouvé seul et ces garçons l'avaient vite intégré dans leur groupe alors que rien ne les obligeait à le faire.

"C'est sûrement... parce qu'ils me voient très rarement parler avec une fille." confia-t-il.

Il en avait trop dit. Il fallait absolument qu'il arrête de parler et qu'il s'en aille avant de se ridiculiser complètement.

"Je peux ?" demanda-t-il en désignant le muret à côté de la Poufsouffle.

Ok, il partirait un peu plus tard.

Elle resta immobile et silencieuse un instant. Elle était comme stupéfixée sur place par ce qu'elle venait d'entendre, bien que cela ne méritait pas une telle réaction. Elle était seulement surprise qu'un garçon comme ce Benjamin, qui était vraiment beau garçon, puisse ne pas avoir l'habitude de parler aux filles. Toutes les filles de Poudlard devaient être intéressées par lui.

"Oui, oui, vas-y !" s'exclama-t-elle en se rendant compte qu'il lui avait demandé quelque chose.

Elle aurait peut-être dû lui dire qu'elle attendait sa soeur, Aria, elle aurait peut-être dû aussi lui dire comment elle s'appelait mais elle était trop occupée à essayer de le cerner pour lui parler. Il n'était pas comme les autres garçons qu'elle connaissait. Même ses amis qui étaient très bien, ne ressemblaient pas à Benjamin. Il était peut-être gay en fait ! Ceci expliquerait le fait qu'il ne soit pas souvent avec des filles... Non, non, ça ne collait pas. Si Benjamin était homosexuel, ses amis n'auraient pas agi comme ça et puis, il aurait sans doute des amies.

Le plus naturellement possible, Benjamin enjamba le muret tout en se flattant d'être assez grand pour le faire sans être trop ridicule, puis il s'installa à côté de la Poufsouffle mais pas trop près d'elle. Pas forcément pour qu'elle ne prenne pas peur mais surtout parce qu'il avait peur de s'évanouir s'il la frôlait. Il avait fait des énormes progrès mais il n'était pas encore un Don Juan et ne le serait sûrement jamais.

"Vas-tu me donner ton prénom ou vais-je devoir le deviner tout seul ?" s'intéressa-t-il sur le ton d'une plaisanterie tout en observant le bout de ses chaussures noires.

Quand ses amis avaient lancé l'idée d'aller faire un tour dans le château, bien que pas d'accord, il les avait suivi et avait mis les premières chaussures qui lui étaient tombé sous la main. Bien entendu, c'était ses vieilles chaussures qui allaient avec son uniforme de l'école. Elles étaient sales et heureusement de là, où ils étaient le trou dans la semelle droite ne pouvait se voir.

Elle devait passer à autre chose, ne plus penser à ses idiots immatures de Gryffondor et elle y arrivera facilement. Benjamin lançait déjà la conversation sur le ton de l'humour. Elle sourit amusée par sa façon de lui demander son prénom.

"Tu ne trouverais jamais !" dit-elle sur le même ton que lui.
"C'est Anna Grace mais il n'y a que ma famille qui m'appelle comme ça ! Pour tout le monde ici, je suis Anna."

Elle aimait beaucoup son deuxième prénom mais c'était beaucoup trop long à dire. Dès ses premiers jours à Poudlard, ses amis comme les professeurs l'avaient appelé Anna et avaient laissé Grace sur le bord de la route, sans chercher plus loin. La majorité des gens ayant deux prénoms comme elle, n'utilisait que le premier d'ailleurs mais ça lui avait fait bizarre même si elle s'y était faite très vite.

L'attention de Benjamin qui était centrée sur ses vieilles chaussures, se porta vite sur la Poufsouffle. Elle était tout de même plus intéressante. Il observa son profil d'Anna qu'il trouva aussitôt très joli. Elle avait un très beau sourire et c'était pareil pour son nez. Il n'était pas un fétichiste des nez, il n'était pas aussi bizarre. Il n'avait jamais regardé les nez des filles avant aujourd'hui. Mais celui d'Anna lui semblait parfait. Elle avait aussi de longs cheveux foncés qui lui tombaient dans le dos.

*Elle est si différente de Kate.* pensa-t-il.

Elle s'appelait Anna Grace mais tout le monde l'appelait seulement Anna. C'était dommage, lui, préférait Grace comme prénom, plutôt qu'Anna mais il ne savait pas pourquoi.

"En effet, je n'aurais jamais découvert." lui confirma Benjamin.

Anna n'avait jamais compris pourquoi ses parents l'avaient appelé comme ça. Pour elle, ça sonnait un peu trop italien. Finalement, ses parents avaient peut-être commencé à briser les traditions familiales bien avant elle parce que tous les membres de la famille avaient des prénoms à consonance plutôt anglaise. En plus, Anna n'était pas forcément un très beau prénom. Il était court, bref, sec... C'était un simple palindrome. Mais en même temps, Pansy n'avait vraiment aucun bon goût, donc ceci expliquait peut-être cela.

"Et toi, j'ai cru comprendre que c'était Benjamin, c'est ça ?" demanda-t-elle pour la forme.

Elle était sûre et certaine d'avoir entendu le garçon avoir interpellé son interlocuteur par ce prénom. A moins, que ce soit une sorte de pseudo ou quelque chose comme ça mais il y avait quand même très peu de chance que ce soit le cas.

Les joues de Benjamin rougirent immédiatement au souvenir de ses amis dans le couloir. Il ne comprenait toujours pas ce qui leur avaient pris. C'était le genre de choses qu'ils faisaient mais seulement quand ils étaient en comité restreint, dans leur dortoir par exemple et pas en plein milieu de l'école. Il leur demanderait dès qu'il les retrouverait soit à la table du dîner, soit dans leur salle commune.

"Oui, c'est bien Benjamin mais mes amis m'appellent Ben."

Il ne savait pas si c'était assez direct pour lui faire comprendre qu'elle pouvait l'appeler Ben, elle aussi. Il n'était vraiment pas fait pour ça. Il lui sourit bêtement tandis qu'un coup de vent le surprenait. Il grimaça légèrement en resserrant sa veste.

Benjamin rougit dès qu'elle lui posa sa question. Elle ne savait pas très bien pour quelle raison il rougissait ainsi. Elle ne lui avait rien dit de spécial. Cela lui rappela quelque chose qu'il avait dit avant de s'asseoir à côté d'elle ou plutôt à un mètre d'elle. Il n'avait pas l'habitude de parler à des filles. Vu qu'il était avec elle à présent, autant faire la conversation et elle ne voulait pas poser des questions sur les cours ou lui demander en quelle année il était parce qu'elle s'en fichait complètement en réalité.

"Tout à l'heure, Ben, tu m'as dit que tes amis n'avaient pas l'habitude de te voir des filles. Tu te moques de moi, non?" lui demanda Anna en appuyant bien sur le surnom du gryffondor et en souriant.

Ce qu'elle avait pensé tout à l'heure était encore plus d'actualité maintenant qu'elle avait pu voir que Benjamin n'était pas un goujat ou en tout cas, pas aux premiers abords. Il semblait vraiment gentil et posé. Alors en plus du fait qu'il était beau garçon, il devait collectionner les petites-copines.

Anna ne faisait pas dans la dentelle. Quand elle voulait savoir quelque chose,elle ne tournait pas autour du pot pendant des heures, elle fonçait. Elle était tout le contraire de Benjamin à première vue. Elle le mettait mal à l'aise par sa question mais en même temps, il était content qu'elle ait compris qu'elle pouvait l'appeler Ben. Maintenant il fallait lui répondre quelque chose qui ne le ferait pas passer pour un garçon aux problèmes relationnels multiples ce qui était forcément un peu.

"Je ne me moque pas, c'est la vérité." commença-t-il tout simplement.

Il plongea son regard dans celui d'Anna et continua :

"Je ne suis pas ce qu'on pourrait qualifier de coureur de jupons. Je ne suis pas très doué avec les filles." avoua-t-il en détournant finalement ses yeux.

Quand Benjamin plongea son regard dans le sien, Anna ressentit tellement de gentillesse qu'elle mit plus longtemps que prévu pour comprendre ce qu'il lui dit ensuite. Il avait vraiment de très beaux yeux.

"Je... Je veux bien croire que tu ne sois pas un coureur de jupons." lui affirma-t-elle.

En tout cas, sa façon d'être donnait l'impression que Benjamin était un gentleman, surtout si on le comparait à bien d'autres garçons de son âge. Elle mit ses mains dans les poches de sa cape, il faisait de plus en plus froid. Elle renifla, son nez coulait maintenant. Elle devait avoir l'air ridicule face à Benjamin.

"Mais je suis presque sûre que tu peux avoir toutes les filles que tu veux !"

Tout en parlant, elle cherchait un mouchoir dans son sac de cours mais elle ne trouvait pas son bonheur.

Benjamin se mit à rire naturellement à ce qu'Anna lui avait dit. Il ne pouvait pas vraiment avoir toutes les filles qu'il voulait. Déjà parce qu'il n'était pas capable de parler convenablement aux filles et en plus, parce qu'il n'était pas du genre à vouloir beaucoup de filles. Il n'avait pas de coup de cœur facilement. Ses précédentes années à Poudlard en était la preuve. Il avait passé toute sa première année et la moitié de la seconde à rêver de Kate, il avait passé sa fin de sa seconde année et sa troisième année en couple avec Kate et depuis quelques mois, il était célibataire ce qui lui allait assez bien pour le moment.

"Je suis pas le genre à vouloir beaucoup de filles..." lui avoua-t-il en prenant son paquet de mouchoirs dans la poche de sa veste qu'il tendit à Anna. "Et il n'y a pas beaucoup de filles qui s'intéressent à moi!"

Anna fut assez surprise en voyant un paquet de mouchoir apparaître devant elle. Elle leva les yeux vers Benjamin qui était le propriétaire du paquet et qui lui donnait gentiment. Ce geste prouvait encore une fois qu'il était un gentleman ce qui était loin d'être le cas de la majorité des garçons de Poudlard.

"Un seul devrait suffire, merci !"

Elle en sortit un du paquet et rendit le reste à Benjamin en le remerciant encore une fois. Elle se moucha le plus discrètement possible et continua la conversation :

"Je pense que tu es trop dur avec toi-même. Des filles peuvent être intéressées par toi."

Elle mit son mouchoir usagé dans la poche de sa cape et fit bouger un peu ses jambes tout en les regardant.

"Je suppose donc que tu es un célibataire endurci !"

Benjamin reprit son paquet et le rangea à sa place machinalement. Le Gryffondor sourit quand Anna le qualifia de célibataire endurci. Il n'était pas doué du tout avec les filles, en tout cas pour les draguer mais il n'était pas non plus un célibataire endurci. Il n'était peut-être pas si nul finalement. Beaucoup de garçons et de filles n'avaient encore jamais été en couple à son âge.

"On ne peut pas dire ça non plus. Ça ne fait que quelques mois que je ne suis plus avec mon ex."

Ça faisait à peu près six mois qu'il n'était plus avec Kate et pour lui, ça ne faisait pas tant que ça. Il n'avait plus de sentiments amoureux pour elle mais elle avait tellement compté dans sa vie qu'il ne pouvait pas tirer un trait aussi facilement sur elle et passer à une autre fille trois jours plus tard.

Finalement, Benjamin ne devait pas être si nul avec les filles s'il avait déjà eu au moins une petite-amie. Mais c'était le genre des garçons d'exagérer les choses de ce type. Elle se demanda alors si Benjamin était en train de la draguer. Elle n'était pas exceptionnelle physiquement mais elle avait un petit succès après des garçons de son année et elle s'était déjà faite draguer de diverses manières. Mais la discussion qu'elle avait avec Benjamin ne ressemblait pas à de la drague mais il était peut-être très fort.

"Qui est cette ex ? Je la connais peut-être !" demanda-t-elle.

Elle n'était pas très intéressée par cette fille mais au moins, elle faisait la conversation, chose dans laquelle elle n’excellait pas.